Un romancier et un éditeur dans notre classe ! Promotion du livre et de la lecture par le Centre Régional des Lettres de Basse Normandie

Le 6 mai dernier, Vincent Villeminot, auteur de la trilogie Instinct, est venu à la rencontre de ses lecteurs, les 1ère STMG, qui ont reçu chacun le roman, offert par le CRL, pour leur participation au concours de nouvelles proposé cette année sur le thème de la métamorphose.Le 12 mai, c’était au tour de Franck Achard, éditeur de poésie.

Vincent Villeminot vit dans les Alpes, à peu près là où se déroule son roman Instinct, qui nous a été offert par le Centre Régional des Lettres. Il est écrivain à plein temps depuis 12 ans. Des questions lui ont été posées et nous a alors répondu avec le plus de précision possible.

VINCENT VILLEMINOT (assis sur le bureau du professeur, face aux élèves de 1STMG)
Est-ce qu’un écrivain relit ses œuvres ? Non, pas souvent sauf dans le cas où on écrit plusieurs tomes pour retrouver des détails pertinents.
Mon passage préféré dans le tome 1 ? Juste après l’accident, car cela faisait naître l’histoire : mon personnage vit l’histoire en voyant la scène. Sauf que ce n’est qu’avec l’odorat que Tim ressent les choses. Mais il y a aussi la fin avec le dénouement que j’ai réécrit plusieurs fois, avec Sheriff, Flora et Tim. C’était un moment jubilatoire à écrire. Dans mon roman je donne la possibilité de voir, en coupant les adverbes pour permettre aux lecteurs de faire leur propre interprétation. Je suis assez content, assez fier de la fin car c’est pour moi la plus belle fin que j’ai écrite. Mon but en écriture, c’est que le lecteur voit la scène par le biais des personnages.
J’avais un dénouement prévu, une fin assez désespérée. Mais mon éditeur souhaitait changer la fin, permettre une porte de sortie car cela ne pouvait pas finir par du désespoir. Alors j’ai écrit une autre fin. On ne peut jamais prévoir vraiment comment une histoire se terminera. Est-ce que j’écris le dénouement au fur et à mesure ? Oui, car il y a la vérité du personnage qui m’oblige à le suivre, car c’est sa personnalité, pas la mienne et si je sais comment ça finit dès le début de l’écriture, cela m’ennuierait.

Pourquoi je n’utilise pas beaucoup les adverbes ? Si je dis : « Elle me regarda tristement », je suis déjà dans l’interprétation. Moi, je préfère que le lecteur fasse connaissance avec le personnage en disant : « Elle me regarda les sourcils plissés, les yeux brillants ». Je préfère laisser le lecteur imaginer seul la tristesse du personnage.
Est-ce que j’aimerais qu’Instinct devienne un film ? Oui, et cela pour trois raisons :
– Cela m’intéresserait de voir ce qu’une autre personne ferait de mon histoire.
– toucher un très gros chèque !!!
– toucher un autre public. J’ai vendu environ 70 000 exemplaires, ce qui fait environ 200 000 lecteurs d’Instinct.
Des producteurs sont intéressés mais rien de concret pour le moment.
Des regrets ? Jamais de regret ! Le livre naît du travail. Cependant j’ai un sujet que je veux aborder depuis 4 ou 5 ans, mais entre le sujet et l’histoire, il y a un monde qui les sépare.
M’arrive-t-il de manquer d’inspiration ? Jamais ! Parce qu’il faut s’entendre sur la notion d’inspiration : ce n’est pas une muse qui te touche et BAM ! tu es inspiré ! J’écris 6 heures par jour, tant que je n’arrive pas à retranscrire correctement une action, une pensée, je recommence jusqu’à trouver les mots parfaits. Je travaille comme ça :j’envoie un synopsis de 30 pages environ avec une note d’intention. On va travailler 2 à 3 mois sur le synopsis pour voir si on veut écrire la même histoire et quand on est d’accord, je signe avant même d’avoir écrit le livre. Mais tant que je n’ai pas de personnage qui m’inspire, je ne peux pas.
Est-ce que j’écris sur une feuille ou sur un ordinateur ? Sur l’ordinateur, durant les périodes où ma fille n’est pas dans mes pattes quand elle est à l’école. Il m’arrive à la fin de mes livres parfois d’installer un lit dans mon bureau et de travailler 18 à 20h par jour quand je suis en retard
La métamorphose était-il un sujet dont je voulais à tout prix parler ? Non, pas du tout, c’est venu par hasard. Je regardais un reportage sur le procès d’une sorcière du 15 ème ou 16 ème siècle et des loups garous, et je me suis dit : mais quel jugement on ferait à un loup garou aujourd’hui ? On l’enfermerait en hôpital psychiatrique ? Alors j’ai cherché dans cette direction, sur internet ! J’ai ensuite pensé à un adolescent car lorsque l’on passe ce stade, on vit une métamorphose. Je n’étais pas convaincu que ce soit la métamorphose la plus radicale, mais j’ai eu envie de réfléchir dessus.
Pourquoi un grizzli pour Tim ? C’était une envie, je voulais que sa métamorphose soit un handicap dans sa vie. Et puis un ours est un grand carnivore Je voulais un animal dangereux pour les autres et dépositaire de nombreuses mythologies surtout en Amérique. En Inde aussi, par exemple, on pensait que l’ours était l’ancêtre de l’homme car c’est le seul animal qui se tient sur ses pattes arrière.
Et pour le professeur, le glouton ? Une passion de jeunesse ! Car j’ai vu un combat étant petit dans un film et je me suis toujours juré de mettre ça dans un livre. Tim est-il encore un héros malgré les crimes commis ? Il apprend à être un héros, c’est surtout un jeune homme qui réfléchit beaucoup. Il est sensé mais subit sa métamorphose dans le tome 1, réagit dans le tome 2 et agit dans tome 3.
Tim, Sheriff et Flora subissent et exercent de la violence qui les transforment au cours de l’histoire.
Peut-être prochainement un autre tome de Instinct ? Instinct est normalement fini, mais un personnage même après 4 ans est encore en moi comme s’ il existait encore. Peut-être que je ferais un nouveau tome que je nommerais « Flora Arjento » qui sera en train de vieillir comme moi et qui pourra recroiser des personnages dans sa vie actuelle.
Est-ce que je lis beaucoup ? Oui, mais pas trop, car après ça envahit et vous aide trop à écrire une histoire.
Cela me fait plaisir de rencontrer mes lecteurs ? Cela m’apporte beaucoup le fait de côtoyer des lecteurs qui sont dans un univers différent du mien. C’est l’occasion de réaliser ce que je fais. Cela me fait un retour sur mon travail. Une rencontre scolaire peut influencer mes choix. Je préfère écrire pour les jeunes, cela m’oblige de sortir de lui.
Est-ce que mes enfants lisent mes livres ? Oui, toujours ils lisent avant l’éditeur et parfois ils influencent mes choix. Ce sont des lecteurs critiques. Critiquer le travail d’un autre est bien.
Est-ce que je veux transmettre ma passion à mes enfants ? Non. Ecrire, c’est regarder autrement le monde. Si j’avais dû écrire mon voyage pour venir jusqu’à vous, j’aurais regardé le monde autrement, j’aurais observé la lumière, les couleurs, des visages. C’est très personnel. Cela ne se transmet pas.
L’écriture une passion ou directement le métier que j’ai choisi ? J’étais journaliste au début, mais à la fin je ne pouvais plus. J’ai alors travaillé chez des éditeurs, on m’a proposé d’écrire un petit album où tout s’est bien passé. J’ai alors ensuite fait une cinquantaines d’albums.
Est-ce que c’est une façon de rester dans le monde des enfants ? Non, c’est l’inverse : ça me permet de sortir de moi-même. Puis bien écrire est un minimum de générosité, beaucoup d’adultes viennent dans le rayon adolescents acheter mes livres. 2/3 sont des adultes, alors que j’écris d’abord pour des personnes de 15 ans.

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